Acteur majeur dans le réemploi des bouteilles en Occitanie, Oc’Consigne a ouvert sa propre usine de lavage à Montpellier en 2023. Une nouvelle étape clé pour réduire l’impact énergétique et la facture des producteurs. Rencontre avec Sophie Graziani-Roth, l’une des trois associées salariées de la SCOP Oc’Consigne avec Anne-Claire Degail et Sophie Gesegnet.

 

Sophie Graziani-Roth, rappelez-nous quand a été lancé Oc’Consigne à Montpellier ?

En mars 2020, nous avons repris une association qui était à l’abandon et réalisé une étude de faisabilité pour répondre à l’Appel à manifestation d’intérêt de l’ADEME et de Citéo. Ce premier soutien était une impulsion importante pour ouvrir des financements publics et privés, qui nous a permis de commencer à accompagner des producteurs et installer des premiers points de collecte.

Après cette année de test, nous avons transformé l’association en Scop (société coopérative et participative) en 2021 afin de commencer les investissements pour notre projet d’usine de lavage.

Aujourd’hui, Oc’Consigne c’est 10 salariés, dont trois associés et deux personnes en insertion et une unité industrielle de lavage en fonctionnement.

 

Sophie Graziani-Roth © Oc’Consigne

Qu’est-ce qui vous a motivé à reprendre cette association ?

C’est clairement pour contribuer à la réduction de l’impact environnemental des bouteilles en verre. Cela représente près de 30 % du bilan carbone d’un vigneron. Le réemploi fait vraiment baisser la facture énergétique et financière : c’est – 51 % d’eau, – 79 % d’énergie et – 77 % d’émission de CO2 par rapport aux bouteilles recyclées. Et zéro sable, alors que les bouteilles recyclées en utilisent en moyenne 54 %.  Ce sont les chiffres officiels issus d’une étude 2018 de l’ADEME, l’Agence de la transition écologique.

On ne peut qu’être convaincu par le réemploi quand on prend la problématique de la surconsommation des ressources liées au recyclage. Ce dernier nécessite de chauffer le verre cassé à 1 500 degrés pendant 24 heures dans des fours à gaz  et d’y ajouter du sable transporté, tout cela pour refabriquer des bouteilles qui seront à nouveau cassées si on ne les réemploie pas.

 

En 2023, vous réalisez le projet de lancement de votre propre usine de lavage à Lattes, près de Montpellier. Qu’est-ce que cela a changé ?

Nous avons à ce jour la seule usine de lavage de bouteilles mutualisées du Sud de la France. Avant, le site le plus proche était situé dans la Drôme. C’est un maillon de la chaîne très important. Depuis que nous avons l’usine, nous poursuivons  l’accompagnement des producteurs dans le réemploi et le développement des points de collecte, mais réalisons aussi de plus en plus de lavage « à façon » de bouteilles pour les producteurs.

Pour l’usine, nous avons des équipements dernier cri très performants et mis en place une démarche HACCP pour garantir la qualité. Pour le lavage, nous avons choisi une machine extrêmement sobre en matière d’énergie et qui consomme seulement 1,2 m3 d’eau par heure pour un lavage de 3 500 bouteilles. En sortie de lavage / séchage, une machine d’inspection qualité ausculte chaque bouteille pour s’assurer qu’elle ne présente aucun défaut critique.

Depuis le lancement il y a 6 mois, nous lavons en moyenne 15 à 20 000 bouteilles par mois. Notre objectif est d’atteindre les 100 000 par mois.

Comment s’organisent vos collectes ?

Nous collectons des bouteilles portant le pictogramme du réemploi dans des points de collecte dédiés : deux tiers dans des magasins et un tiers chez des producteurs. Et il y a une autre boucle de collecte directement maîtrisée par les producteurs quand cela leur est possible. Dans ce cas, ils  gèrent leur collecte et une fois atteint un certain volume, nous réalisons une prestation de lavage pour eux. L’usine permet aussi de « sauver » des bouteilles neuves mal-stockées. Auparavant elles auraient été mises au rebus.

 

Quels sont les contraintes en terme de type de bouteilles ?

Globalement, nous pouvons laver la plupart des types de bouteilles qui existent sur le marché. Nous incitons les vignerons à aller vers des bouteilles standardisées (différents types de modèles) que nous collectons nous-même, mais ils peuvent conserver des bouteilles spécifiques que nous laverons en lavage à façon pour eux. Mais dans tous les cas, il faut que l’étiquette puisse se décoller au lavage et qu’il n’y ait pas de numéro de lot gravé sur la bouteille. C’est aussi pour ça qu’on travaille en synergie avec l’ensemble de la filière et en particulier les embouteilleurs et imprimeurs, pour co-construire le développement du réemploi. Il y a trois ou quatre ans, une étiquette avec colle hydrosoluble coûtait plus chère car la demande était marginale. En inversant la tendance, cela permet aujourd’hui de réduire les coûts.

 

La culture du réemploi est davantage présente chez les brasseurs. Comment embarquez-vous les vignerons dans la démarche ?

On a une majorité de vignerons sur notre territoire, alors on sait aujourd’hui répondre à leurs problématiques spécifiques. On ne va pas chercher à convaincre ceux qui font de l’export. Mais par contre, ça peut ouvrir de nouveaux marchés pour ceux qui souhaitent se lancer. Il y a des réseaux de distribution qui vont référencer en priorité les producteurs pratiquant le réemploi. C’est le cas, d’enseignes comme Biocoop par exemple.

Il y a aussi des domaines qui ont une consommation majoritairement sur place, dans le cadre de prestations évènementielles par exemple. Le réemploi peut fortement les intéresser car cela évite une mise au recyclage de leurs bouteilles qui sont « captives ». Nous avons des producteurs qui ont aussi leur propre réseau de livraison directe avec la mise en place de casiers chez des restaurateurs. C’est une économie de temps pour le restaurant qui n’a pas à aller jeter les bouteilles, et pour le vigneron moins de cartons à acheter.

 

Combien de points de collecte avez-vous mis en place à ce jour ?

Il existe une centaine de points de collecte où l’on vient récupérer les bouteilles. Notre périmètre d’intervention est concentré dans la zone est de l’Occitanie : Hérault, Gard, moitié Aude, Pyrénées-Orientales, Aveyron et Lozère Sud, soit environ 250/300 km autour de l’usine.

 

Côté consommateur, quel accueil rencontrez-vous ?

Un études Ipsos sortie au printemps 2023 indique que 92 % des Français sont pour le retour des bouteilles consignées.

Pour le moment, nous n’avons pas mis de consigne monétaire mais cela peut changer. Nous espérons la mise en place d’une consigne monétaire nationale. Il faut rappeler que la consigne n’est pas un cadeau pour le client puisqu’il la paie à l’achat du produit. Mais on sait que ça incite aux retours.

 

Qui sont les producteurs déjà impliqués ?

Ce sont majoritairement des producteurs bios qui ont cette démarche dans leur ADN. Il y a aussi des conventionnels. Des caves particulières et de plus en plus de caves coopératives qui font aussi appel à nos services de lavage pour des bouteilles mal étiquetées ou mal stockées. Mais au-delà des vignerons, nous avons aussi beaucoup de brasseurs et producteurs de soft qui s’engagent.

Au total, nous avons accompagné plus de 80 producteurs, dont une majorité de vignerons pour intégrer la filière ou réaliser du lavage « à façon ».

 

 

Pourquoi avoir rejoint le réseau Vinseo ?

Nous sommes adhérents depuis 2023. Le réemploi est un travail d’équipe ! Nous faisons partie du collectif France Consigne co-créé avec une dizaine d’opérateurs et lancé officiellement lors de Millésime Bio 2023. Pour que cela fonctionne, il faut qu’on co-construise et qu’on comprenne le fonctionnement de tous les maillons de la chaîne.

Depuis trois ans, nous avons levé de nombreux freins. C’est aussi important de se faire connaître le plus possible pour que le réemploi redevienne un réflexe.

 

 

Oc’Consigne
2382 rue de la Fontaine de la Banquière,
34970 Lattes
04.99.58.82.22
contact@oc-consigne.fr
www.oc-consigne.fr

 

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